- 09 oct. 2012, 07:51
#321
PERLES DE FOLIE
Voici l'un de mes textes préférés. Nous le devons au Dr. Bolzinger qui a su comme d'habitude, exciter notre curiosité et poser de grandes questions. Prenez le temps de lire le début et de vous demander de qui peut bien parler Jean Michel????EB
Par le Dr. Jean Michel Bolzinger.
Cas clinique
Le début de ces notes remonte à l'année 87. Nous sommes en présence d'un homme de 43 ans (né en 44), célibataire,prof de philo à l'université.
Il présente plusieurs ordres de symptômes qui lui gâchent littéralement l'existence (démission et invalidité depuis 79)[*]
Il souffre de migraines depuis l'âge de 12 ans
Il est atteint d'une psychose maniaco dépressive
Il présente un mental assez particulier
A cela s'ajoutent ses antécédents et quelques autres renseignements.
Il est toujours vêtu avec élégance, finement chaussé, une grande cravate de soie nouée avec une négligence artistique.
1. Le syndrome migraineux
Le patient présente tantôt un premier type de céphalées diffuses où la tête est entièrement prise, et tantôt des migraines vraies,pour lesquelles il existe une hérédité familiale (son père et sa soeur en sont atteints)
Aura :
visuelle : scintillement, les caractères s'entremêlent
sensitive : paresthésies qui partent d'un point de l'hémicorps allant p. ex. du bras au cou, s'étendant à la joue, à la face, aux dents, à la langue et aux lèvres.
ou une dysarthrie comme une demi paralysie rendant la parole difficile.
Localisation :
hémicrânie droite
région orbitaire, sus orbitaire et péri orbitaire.
extension à la moitié correspondante du front
Sensations :
douleurs battantes
martelantes
pulsatiles
Modalités :
Périodicité de 4 à 8 jours ou de 15 à 21 jours selon les époques,
l'obligeant à rester 36 heures au lit
parfois subintrantes (état de mal)
< par la lumière
< par le bruit
non améliorée par le sommeil
Le bruit et la lumière ne se contentent pas d'aggraver la migraine mais peuvent même la déclencher.
Signes d'accompagnement :
baisse de l'acuité visuelle
vomissements bilieux puis vomissements à sec
état très voisin du mal de mer
parfois, longue perte de connaissance pendant la migraine
désespère de guérir
Particularité :
Ces migraines annoncent de façon quasi constante une période dépressive.Le patient repère ces migraines qu'il considère comme de véritables prodromes de ses phases mélancoliques que nous allons découvrir tout de suite.
2. La psychose maniacodépressive
Il s'agit d'une forme bipolaire, de type 2, à cycles rapides (plus de 4 cycles d'excitation-dépression par an)
Les intervalles libres d'euthymie sont quasiment absents.
Prévalence dépressive jusqu'à 35 ans puis prévalence hypomaniaque depuis les années 79/80.
Les phases de mélancolie dépressive :
le laissent inerte, aboulique, littéralement prostré, l'obligeant à garder le lit, entraînant un retrait social et un repli sur lui.
Idées suicidaires mais il a peur du suicide dont il parle à plusieurs reprises " Le canon d'un pistolet est pour moi une source de pensées relativement agréables. L'automne verra peut être un petit exercice de tir au pistolet ". Deux tentatives de suicide par absorption de médicaments à la suite d'une déception sentimentale, plus précisément à la suite d'un amour non partagé.
Les phases hypomaniaques durent 10 à 15 jours consécutifs :
Gaieté expansive, euphorie exubérante, intense excitation imaginative et inventive.
Chante et divague en marchant.
Insomnie totale pendant 4 jours en dépit d'une grande fatigue. Inefficacité de somnifères.
Pendant cette période, il jouit d'une extraordinaire clarté d'esprit lui permettant d'élaborer des concepts philosophiques fort cohérents, pertinents et novateurs de l'avis de ses pairs.
Dissociation de la conscience :
Les mots défilent en lui dans une fulgurance folle, les idées sont d'une telle volatilité qu'il les griffonne à la hâte. Par la suite, il met des heures à déchiffrer ce qui lui semble venu d'un ailleurs dont il est pourtant l'auteur. Il perçoit fort bien la simultanéité d'une ivresse et d'une pleine lucidité " c'est quelque chose comme lorsqu'on rêve et qu'en même temps on sent que le rêve est rêve "
Désorientation temporo spatiale :
perte de la notion d'espace et du temps pendant ces périodes
intuition sans égale (sans autre précision)
Hallucinations :
auditive : " Ce que je redoute, ce n'est pas l'être épouvantable qui se tient derrière ma chaise, c'est sa voix :Non pas les mots, mais le ton inarticulé, inhumain de cet être. Si encore il parlait comme parlent les hommes " (automne 68)
" Etre au fond du chagrin, étendu dans sa chambre, et soudain les hommes entrent comme l'aigre lumière du jour, hurlant en se voilant la face : pauvres hommes ! pauvres hommes ! "
visuelle : Il décrit " une vision qui l'assaillait sitôt il fermait les yeux. C'était alors une profusion de fleurs qui se nouaient et s'entrelaçaient en un perpétuel jaillissement,surgissant l'une de l'autre, dans un ballet de formes et de couleurs d'une exotique luxuriance "
" A l'instant où je levais le regard, il me sembla, dans une vision rapide comme l'éclair, voir près de ma table, un homme pâle profondément incliné. L'instant d'après, alors que l'oeil cherchait à saisir cet objet avec plus d'acuité, j'aperçois à quelques pas de ma table un chat. "
" Je vois un arbre et je le prends pour un enfant. Je vois très distinctement les traits d'un visage dans une conversation mais c'est moi qui les imagine avec une telle acuité "
3. Le mental
1. Grande méticulosité.
2. S'observe avec une très grande minutie.
3. Il garde une extrême susceptibilité douloureuse pour tout ce qui touche au décès de son père (il avait 5 ans à la mort de celui ci). A l'occasion d'un différent avec sa mère, celle ci lui dit :" qu'il est une honte pour la tombe de son père ". Il dit d'elle et de sa soeur qu'elle ne sont que " canaille et venimeuse vermine ".
4. Grande sensibilité :
6. Fabuleuse envie de voyager (pas moins de 16 voyages en 7 mis en79)
7. Anxiété permanente avec énorme sentiment de culpabilité (tant dans les phases mélancoliques que dans les phases hypomaniaques)
8. Crises d'angoisses déclenchée par tout motif émotionnel, même par un événement heureux (départ en voyage, visite d'un ami.)
9. Sentiment inexplicable de péril imminent, certitude d'un danger vital, d'une fin proche à la fois attendue et redoutée créant une grande agitation intérieure " La mort me regarde par dessus l'épaule "
10. Compatissant, larmes aux yeux en voyant souffrir un animal.
11. En société, très convivial, délicat, charmeur alors que le soir même est capable d'une extrême férocité dans ses écrits qu'il considère comme une machine de guerre.
12. Rêve fréquent et répété de vol (fly)
Les antécédents et quelques autres renseignements.
Service militaire en tant qu'infirmier. Le carnet d'incorporation porte la mention " santé robuste ".
Aurait fait des crises d'épilepsie type petit mal.
Deux épisodes de MST (parle de syphilis.)
Assez sportif, grand marcheur, 6 à 8 heures par jour (c'est làque les idées lui viennent)
Excellent pianiste, improvise et compose
Forte myopie
Asymétrie pupillaire (comme sa mère) la droite plus dilatée que lagauche.
Dyspepsie.
Colopathie fonctionnelle.
Hémorroïdes
Son père est mort à l'âge de 36 ans d'une tumeur cérébrale (astrocytome vraisemblable) compliquée d'hypertension intra crânienne. C'était un migraineux qui faisait des crises d'épilepsie temporale.
Son oncle maternel a fini ses jours en CHS. Psychose maniaco dépressive ?
Etude de ce cas clinique
Comme toujours en clinique quotidienne, les symptômes " des maladies " et de " LA Maladie " sont mélangés.
Il appartient au médecin de démembrer ce qui appartient aux diagnostics nosologiques (symptômes objectifs) et à l'homéopathe de repérer ce qui caractérise la réactivité singulière du malade(symptômes subjectifs).
La sélection de symptômes rares, bizarres singuliers se fera préférentiellement
Mais il faut surtout et presque exclusivement, dans la recherche du remède homéopathique spécifique, s'attacher aux symptômes objectifs et subjectifs caractéristiques : les plus frappants, les plus originaux, les plus inusités, et les plus personnels.
Ce sont ceux-là principalement qui doivent correspondre aux symptômes très semblables du groupe appartenant au remède à trouver, pour que ce dernier soit celui qui convienne le mieux à la guérison.
Au contraire, les symptômes communs et vagues comme les malaises, la lassitude, le mal de tête, le manque d'appétit, un mauvais sommeil, etc... méritent peu d'attention, soit à cause de leur caractère banal et imprécis, soit aussi parce qu'on les rencontre dans presque toutes les maladies et dans presque tous les médicaments.
Travail du cas et étude répertoriale
Il est intéressant de relire le cas clinique en tentant de distinguer :
Objectifs thérapeutiques :
Que peut on attendre d'une prescription homéopathique dans un cas de ce type. Compte tenu de l'expérience des homéopathes depuis plusieurs générations, on peut raisonnablement avancer que les accès de migraine disparaîtront. Qu'en sera-t-il de la PMD ? Je n'ai pas trouvé de cas publiés faisant état de guérison homéopathique dans ce domaine.
Les sels de Lithium en allopathie et la PMD
Le traitement par les sels de Lithium a bouleversé le destin souvent tragique des maniaco dépressifs.
Il est toujours amusant de voir avec quelle arrogance et quelle condescendance les allopathes sectaires toisent les homéopathes. Pour une fois penchons nous à notre tour sur le lithium en tant que thymorégulateur et observons l'extraordinaire rigueur méthodologique qui a présidé à sa découverte.
En 1839, Berzélius reconnaît le Lithium et on le recommande dès la fin du XIX° siècle comme sédatif. Les graves intoxications qui en découlent le font très vite oublier.
En 1949, l'australien John Cade s'attaque au traitement des accès maniaques et part sur l'idée que l'urée est responsable de ces troubles. Il cherche à contrebalancer l'action de l'urée avec l'acide urique. Mais comme l'urate de lithium est plus soluble que l'acide urique, il injecte ce sel à des cobayes et merveille, l'urate de lithium calme effectivement les rongeurs. Fort heureusement, Cade était un petit futé et s'interrogea sur l'élément responsable de l'action et réalisa que comme le carbonate de lithium était lui aussi actif, ce ne pouvait être que le lithium qui calmait les cobayes.
En fait, comme les cobayes n'étaient nullement maniaques, c'est sans doute parce que le lithium rendait les bestioles malades qu'il les calmait.
Sur ces bases fausses, Cade décide de traiter des patients maniaques et c'est le succès, d'une ampleur inattendue. Non seulement le lithium calme les accès maniaques mais il prévient les récidives,qu'elles soient maniaques ou dépressives.
Les publications de Cade ne furent pas prises au sérieux et ce n'est qu'en 1954 que le danois Mogen Schou confirma ces observations et réussit finalement à convaincre la communauté scientifique de l' efficacité "inexpliquée mais réelle" du Lithium.
Évidemment nos expérimentations pathogénésiques sont empiriques et sont bien loin de cette rationalité déductive. Il n'en reste pas moins qu' " empirique " signifie très rigoureusement "entièrement fondé sur l'expérience" et que la première édition de l'Organon parut sous le titre " Organon de la médecine rationnelle "
On nous rétorquera qu'aujourd'hui, on sait comment agissent les sels de lithium. Si vous prenez l'habitude de surligner les conditionnels de l'argumentation, vous aurez vite une belle image en couleur. Je cite :
La cible du lithium " serait sans doute le cycle de l'inositol et il " existerait " dans le cerveau des neurones (surstimulés ?) dans lesquels le recyclage eninositol se ferait " anormalement rapidement". Ces neurones " seraient " responsables des manifestations maniaco dépressives et " seraient " les cibles privilégiées du lithium.
Dont acte.
Vous aurez alors plaisir à lire les recommandations et références éditées par les très sérieuses ANDEM et ANAES concernant le traitement et le suivi des psychotiques, recommandations que vous êtes priés de respecter comme de bons petits toutous à leur maîtresse.
Réflexions
La levée du voile
Le cas clinique relaté ci dessus est celui de Friedrich Nietzsche, né en 1844 et mort en 1900.

L'étonnante précision du recueil symptomatique s'explique parla volumineuse correspondance qu'il a entretenue jusqu'à sa détérioration mentale irréversible en janvier 1889
Deux ans après la consultation relatée ci dessus, Nietzsche perdit la raison. Les 11 dernières années de son existence se passèrent dans un état d'aliénation mentale, véritable effondrement apocalyptique d'un des plus grands philosophe de son temps qui laissa une oeuvre prodigieuse.
Aurait il évité cette apocalypse s'il avait reçu le remède homéopathique adapté ?
On a longtemps pensé que Niezsche avait développé une paralysie générale consécutive aux deux syphilis qu'il avait mentionnées. Une thèse récente de Françoise S. qui a servi de base à un livre du Pr Jacques Rogé " Le syndrome de Nietzsche ", récuse formellement ce diagnostic
Quelques autres grands personnages psychotiques
L’œuvre du musicien Robert Schumann montre l'extraordinaire relation entre une psychose maniaco-dépressive et la productivité intellectuelle tout comme le montre la production littéraire de plusieurs grandes figures de la littérature comme
Antonin Artaud
Louis Althusser
Virginia Woolf
Ernest Hemingway
On peut s'interroger sur ce que serait devenue la production artistique de ces personnages s'il avaient été traités? Il est vraisemblable que le patrimoine artistique et littéraire perdra beaucoup de la normalisation thymique des psychotiques intellectuellement brillants.
Mais quel thérapeute fou donnerait la préférence à l'oeuvre plutôt qu'à la délivrance de ces pauvres malades des démons qui les hantent.
Karl Jasper, médecin psychiatre et philosophe, a publié un extraordinaire ouvrage sur les relations entre la psychose et la production artistique de 3 autres grands personnages:
Van Gogh,
Horlderlin
Strinberg
et.
Swedenborg.
Emmanuel Swedenborg vécu de 1688 à 1772. Il eut une grande réputation de savant et occupa en Suède des postes importants jusqu'à l'âge de 55 ans où il décida d'abandonner le monde des sciences pour s'adonner à la théosophie et à la religion. Jasper explique que la seconde partie de la vie de Swedenborg correspond à un vaste système hallucinatoire schizophrénique pendant laquelle la peur et l'euphorie furent talentueusement sublimées dans une oeuvre où apparaissent l'effroi religieux et la félicité métaphysique.
En 1870, selon Francis Truherz, 18.000 médecins américains étaient swedenborgiens notamment Hering, les familles Boericke, Knerr, Farrington et Wilkinson (le père d'Hekla lava) qui traduisit trois ouvrages de Swedenborg en américain en 1830. Il a souvent été dit que ce phénomène avait été une des causes principales du déclin de l'homéopathie en Amérique.
Dans le même ordre d'idées, il a beaucoup été reproché à J.T.Kent d'avoir écrit dans Lesser writting (repris dans La science et l'art de l'homéopathie. Maisonneuve Ed. p. 374) " Tout mon enseignement est bâti sur les données d'Hahnemann et de Swedenborg qui concordent parfaitement les unes avec les autres. "
De fait, trois points de la pratique de Kent en dérivent :
Conclusion :
La folie disqualifie-t-elle les productions intellectuelles et artistiques ou à l'inverse les favorise-t-elle ? Ces oeuvres ne sont elles que " le béton tchernobylien censé contenir les radiations de la folie " ou doit on adhérer à l'idée de Jasper qui écrit :
De même qu'une perle naît d'une lésion de coquillage, ainsi la folie peut donner naissance à des oeuvres incomparables.
Mais pas plus qu'on ne pense à la blessure de l'huître en admirant la perle, on ne songe à la folie, qui fut peut être une condition de leur existence, en subissant le rayonnement des chefs d'oeuvre et la force vitale qui en émane.
En l'absence d'une Agence Nationale susceptible de nous dire ce qu'il faut en penser, nous userons de ce rare espace de liberté pour nous faire notre propre opinion, dussions nous être taxés de libres penseurs.
Voici l'un de mes textes préférés. Nous le devons au Dr. Bolzinger qui a su comme d'habitude, exciter notre curiosité et poser de grandes questions. Prenez le temps de lire le début et de vous demander de qui peut bien parler Jean Michel????EB
Par le Dr. Jean Michel Bolzinger.
Cas clinique
Le début de ces notes remonte à l'année 87. Nous sommes en présence d'un homme de 43 ans (né en 44), célibataire,prof de philo à l'université.
Il présente plusieurs ordres de symptômes qui lui gâchent littéralement l'existence (démission et invalidité depuis 79)[*]
Il souffre de migraines depuis l'âge de 12 ans
Il est atteint d'une psychose maniaco dépressive
Il présente un mental assez particulier
A cela s'ajoutent ses antécédents et quelques autres renseignements.
Il est toujours vêtu avec élégance, finement chaussé, une grande cravate de soie nouée avec une négligence artistique.
1. Le syndrome migraineux
Le patient présente tantôt un premier type de céphalées diffuses où la tête est entièrement prise, et tantôt des migraines vraies,pour lesquelles il existe une hérédité familiale (son père et sa soeur en sont atteints)
Aura :
visuelle : scintillement, les caractères s'entremêlent
sensitive : paresthésies qui partent d'un point de l'hémicorps allant p. ex. du bras au cou, s'étendant à la joue, à la face, aux dents, à la langue et aux lèvres.
ou une dysarthrie comme une demi paralysie rendant la parole difficile.
Localisation :
hémicrânie droite
région orbitaire, sus orbitaire et péri orbitaire.
extension à la moitié correspondante du front
Sensations :
douleurs battantes
martelantes
pulsatiles
Modalités :
Périodicité de 4 à 8 jours ou de 15 à 21 jours selon les époques,
l'obligeant à rester 36 heures au lit
parfois subintrantes (état de mal)
< par la lumière
< par le bruit
non améliorée par le sommeil
Le bruit et la lumière ne se contentent pas d'aggraver la migraine mais peuvent même la déclencher.
Signes d'accompagnement :
baisse de l'acuité visuelle
vomissements bilieux puis vomissements à sec
état très voisin du mal de mer
parfois, longue perte de connaissance pendant la migraine
désespère de guérir
Particularité :
Ces migraines annoncent de façon quasi constante une période dépressive.Le patient repère ces migraines qu'il considère comme de véritables prodromes de ses phases mélancoliques que nous allons découvrir tout de suite.
2. La psychose maniacodépressive
Il s'agit d'une forme bipolaire, de type 2, à cycles rapides (plus de 4 cycles d'excitation-dépression par an)
Les intervalles libres d'euthymie sont quasiment absents.
Prévalence dépressive jusqu'à 35 ans puis prévalence hypomaniaque depuis les années 79/80.
Les phases de mélancolie dépressive :
le laissent inerte, aboulique, littéralement prostré, l'obligeant à garder le lit, entraînant un retrait social et un repli sur lui.
Idées suicidaires mais il a peur du suicide dont il parle à plusieurs reprises " Le canon d'un pistolet est pour moi une source de pensées relativement agréables. L'automne verra peut être un petit exercice de tir au pistolet ". Deux tentatives de suicide par absorption de médicaments à la suite d'une déception sentimentale, plus précisément à la suite d'un amour non partagé.
Les phases hypomaniaques durent 10 à 15 jours consécutifs :
Gaieté expansive, euphorie exubérante, intense excitation imaginative et inventive.
Chante et divague en marchant.
Insomnie totale pendant 4 jours en dépit d'une grande fatigue. Inefficacité de somnifères.
Pendant cette période, il jouit d'une extraordinaire clarté d'esprit lui permettant d'élaborer des concepts philosophiques fort cohérents, pertinents et novateurs de l'avis de ses pairs.
Dissociation de la conscience :
Les mots défilent en lui dans une fulgurance folle, les idées sont d'une telle volatilité qu'il les griffonne à la hâte. Par la suite, il met des heures à déchiffrer ce qui lui semble venu d'un ailleurs dont il est pourtant l'auteur. Il perçoit fort bien la simultanéité d'une ivresse et d'une pleine lucidité " c'est quelque chose comme lorsqu'on rêve et qu'en même temps on sent que le rêve est rêve "
Désorientation temporo spatiale :
perte de la notion d'espace et du temps pendant ces périodes
intuition sans égale (sans autre précision)
Hallucinations :
auditive : " Ce que je redoute, ce n'est pas l'être épouvantable qui se tient derrière ma chaise, c'est sa voix :Non pas les mots, mais le ton inarticulé, inhumain de cet être. Si encore il parlait comme parlent les hommes " (automne 68)
" Etre au fond du chagrin, étendu dans sa chambre, et soudain les hommes entrent comme l'aigre lumière du jour, hurlant en se voilant la face : pauvres hommes ! pauvres hommes ! "
visuelle : Il décrit " une vision qui l'assaillait sitôt il fermait les yeux. C'était alors une profusion de fleurs qui se nouaient et s'entrelaçaient en un perpétuel jaillissement,surgissant l'une de l'autre, dans un ballet de formes et de couleurs d'une exotique luxuriance "
" A l'instant où je levais le regard, il me sembla, dans une vision rapide comme l'éclair, voir près de ma table, un homme pâle profondément incliné. L'instant d'après, alors que l'oeil cherchait à saisir cet objet avec plus d'acuité, j'aperçois à quelques pas de ma table un chat. "
" Je vois un arbre et je le prends pour un enfant. Je vois très distinctement les traits d'un visage dans une conversation mais c'est moi qui les imagine avec une telle acuité "
3. Le mental
1. Grande méticulosité.
2. S'observe avec une très grande minutie.
3. Il garde une extrême susceptibilité douloureuse pour tout ce qui touche au décès de son père (il avait 5 ans à la mort de celui ci). A l'occasion d'un différent avec sa mère, celle ci lui dit :" qu'il est une honte pour la tombe de son père ". Il dit d'elle et de sa soeur qu'elle ne sont que " canaille et venimeuse vermine ".
4. Grande sensibilité :
- aux sons, aux bruits, véritable phonophobie
à la lumière, le soir lorsqu'il écrit, recouvre sa lampe de bureau d'une étoffe rouge. Photophobie mais paradoxalement, grand besoin de clarté, de luminosité, " mes ennemis ?les nuages "
6. Fabuleuse envie de voyager (pas moins de 16 voyages en 7 mis en79)
7. Anxiété permanente avec énorme sentiment de culpabilité (tant dans les phases mélancoliques que dans les phases hypomaniaques)
8. Crises d'angoisses déclenchée par tout motif émotionnel, même par un événement heureux (départ en voyage, visite d'un ami.)
9. Sentiment inexplicable de péril imminent, certitude d'un danger vital, d'une fin proche à la fois attendue et redoutée créant une grande agitation intérieure " La mort me regarde par dessus l'épaule "
10. Compatissant, larmes aux yeux en voyant souffrir un animal.
11. En société, très convivial, délicat, charmeur alors que le soir même est capable d'une extrême férocité dans ses écrits qu'il considère comme une machine de guerre.
12. Rêve fréquent et répété de vol (fly)
Les antécédents et quelques autres renseignements.
Service militaire en tant qu'infirmier. Le carnet d'incorporation porte la mention " santé robuste ".
Aurait fait des crises d'épilepsie type petit mal.
Deux épisodes de MST (parle de syphilis.)
Assez sportif, grand marcheur, 6 à 8 heures par jour (c'est làque les idées lui viennent)
Excellent pianiste, improvise et compose
Forte myopie
Asymétrie pupillaire (comme sa mère) la droite plus dilatée que lagauche.
Dyspepsie.
Colopathie fonctionnelle.
Hémorroïdes
Son père est mort à l'âge de 36 ans d'une tumeur cérébrale (astrocytome vraisemblable) compliquée d'hypertension intra crânienne. C'était un migraineux qui faisait des crises d'épilepsie temporale.
Son oncle maternel a fini ses jours en CHS. Psychose maniaco dépressive ?
Etude de ce cas clinique
Comme toujours en clinique quotidienne, les symptômes " des maladies " et de " LA Maladie " sont mélangés.
Il appartient au médecin de démembrer ce qui appartient aux diagnostics nosologiques (symptômes objectifs) et à l'homéopathe de repérer ce qui caractérise la réactivité singulière du malade(symptômes subjectifs).
La sélection de symptômes rares, bizarres singuliers se fera préférentiellement
- dans le groupe des symptômes subjectifs
mais aussi dans celui des symptômes objectifs dès lors que ceux-ci constituent une forme clinique peu fréquente. Ceci nécessite de bien connaître la pathologie médicale patiemment acquise au cours des huit années d'études médicales.
Mais il faut surtout et presque exclusivement, dans la recherche du remède homéopathique spécifique, s'attacher aux symptômes objectifs et subjectifs caractéristiques : les plus frappants, les plus originaux, les plus inusités, et les plus personnels.
Ce sont ceux-là principalement qui doivent correspondre aux symptômes très semblables du groupe appartenant au remède à trouver, pour que ce dernier soit celui qui convienne le mieux à la guérison.
Au contraire, les symptômes communs et vagues comme les malaises, la lassitude, le mal de tête, le manque d'appétit, un mauvais sommeil, etc... méritent peu d'attention, soit à cause de leur caractère banal et imprécis, soit aussi parce qu'on les rencontre dans presque toutes les maladies et dans presque tous les médicaments.
Travail du cas et étude répertoriale
Il est intéressant de relire le cas clinique en tentant de distinguer :
- Les symptômes communs et vagues, [SB] pour " symptôme banal "
Les symptômes nosologiques objectifs sortant de l'ordinaire,[SOI] pour " symptôme objectif intéressant "
Les syptômes subjectifs spécifiques du malade [SSI] ] pour" symptôme subjectif intéressant "
Objectifs thérapeutiques :
Que peut on attendre d'une prescription homéopathique dans un cas de ce type. Compte tenu de l'expérience des homéopathes depuis plusieurs générations, on peut raisonnablement avancer que les accès de migraine disparaîtront. Qu'en sera-t-il de la PMD ? Je n'ai pas trouvé de cas publiés faisant état de guérison homéopathique dans ce domaine.
Les sels de Lithium en allopathie et la PMD
Le traitement par les sels de Lithium a bouleversé le destin souvent tragique des maniaco dépressifs.
Il est toujours amusant de voir avec quelle arrogance et quelle condescendance les allopathes sectaires toisent les homéopathes. Pour une fois penchons nous à notre tour sur le lithium en tant que thymorégulateur et observons l'extraordinaire rigueur méthodologique qui a présidé à sa découverte.
En 1839, Berzélius reconnaît le Lithium et on le recommande dès la fin du XIX° siècle comme sédatif. Les graves intoxications qui en découlent le font très vite oublier.
En 1949, l'australien John Cade s'attaque au traitement des accès maniaques et part sur l'idée que l'urée est responsable de ces troubles. Il cherche à contrebalancer l'action de l'urée avec l'acide urique. Mais comme l'urate de lithium est plus soluble que l'acide urique, il injecte ce sel à des cobayes et merveille, l'urate de lithium calme effectivement les rongeurs. Fort heureusement, Cade était un petit futé et s'interrogea sur l'élément responsable de l'action et réalisa que comme le carbonate de lithium était lui aussi actif, ce ne pouvait être que le lithium qui calmait les cobayes.
En fait, comme les cobayes n'étaient nullement maniaques, c'est sans doute parce que le lithium rendait les bestioles malades qu'il les calmait.
Sur ces bases fausses, Cade décide de traiter des patients maniaques et c'est le succès, d'une ampleur inattendue. Non seulement le lithium calme les accès maniaques mais il prévient les récidives,qu'elles soient maniaques ou dépressives.
Les publications de Cade ne furent pas prises au sérieux et ce n'est qu'en 1954 que le danois Mogen Schou confirma ces observations et réussit finalement à convaincre la communauté scientifique de l' efficacité "inexpliquée mais réelle" du Lithium.
Évidemment nos expérimentations pathogénésiques sont empiriques et sont bien loin de cette rationalité déductive. Il n'en reste pas moins qu' " empirique " signifie très rigoureusement "entièrement fondé sur l'expérience" et que la première édition de l'Organon parut sous le titre " Organon de la médecine rationnelle "
On nous rétorquera qu'aujourd'hui, on sait comment agissent les sels de lithium. Si vous prenez l'habitude de surligner les conditionnels de l'argumentation, vous aurez vite une belle image en couleur. Je cite :
La cible du lithium " serait sans doute le cycle de l'inositol et il " existerait " dans le cerveau des neurones (surstimulés ?) dans lesquels le recyclage eninositol se ferait " anormalement rapidement". Ces neurones " seraient " responsables des manifestations maniaco dépressives et " seraient " les cibles privilégiées du lithium.
Dont acte.
Vous aurez alors plaisir à lire les recommandations et références éditées par les très sérieuses ANDEM et ANAES concernant le traitement et le suivi des psychotiques, recommandations que vous êtes priés de respecter comme de bons petits toutous à leur maîtresse.
Réflexions
La levée du voile
Le cas clinique relaté ci dessus est celui de Friedrich Nietzsche, né en 1844 et mort en 1900.

L'étonnante précision du recueil symptomatique s'explique parla volumineuse correspondance qu'il a entretenue jusqu'à sa détérioration mentale irréversible en janvier 1889
Deux ans après la consultation relatée ci dessus, Nietzsche perdit la raison. Les 11 dernières années de son existence se passèrent dans un état d'aliénation mentale, véritable effondrement apocalyptique d'un des plus grands philosophe de son temps qui laissa une oeuvre prodigieuse.
Aurait il évité cette apocalypse s'il avait reçu le remède homéopathique adapté ?
On a longtemps pensé que Niezsche avait développé une paralysie générale consécutive aux deux syphilis qu'il avait mentionnées. Une thèse récente de Françoise S. qui a servi de base à un livre du Pr Jacques Rogé " Le syndrome de Nietzsche ", récuse formellement ce diagnostic
Quelques autres grands personnages psychotiques
L’œuvre du musicien Robert Schumann montre l'extraordinaire relation entre une psychose maniaco-dépressive et la productivité intellectuelle tout comme le montre la production littéraire de plusieurs grandes figures de la littérature comme
Antonin Artaud
Louis Althusser
Virginia Woolf
Ernest Hemingway
On peut s'interroger sur ce que serait devenue la production artistique de ces personnages s'il avaient été traités? Il est vraisemblable que le patrimoine artistique et littéraire perdra beaucoup de la normalisation thymique des psychotiques intellectuellement brillants.
Mais quel thérapeute fou donnerait la préférence à l'oeuvre plutôt qu'à la délivrance de ces pauvres malades des démons qui les hantent.
Karl Jasper, médecin psychiatre et philosophe, a publié un extraordinaire ouvrage sur les relations entre la psychose et la production artistique de 3 autres grands personnages:
Van Gogh,
Horlderlin
Strinberg
et.
Swedenborg.
Emmanuel Swedenborg vécu de 1688 à 1772. Il eut une grande réputation de savant et occupa en Suède des postes importants jusqu'à l'âge de 55 ans où il décida d'abandonner le monde des sciences pour s'adonner à la théosophie et à la religion. Jasper explique que la seconde partie de la vie de Swedenborg correspond à un vaste système hallucinatoire schizophrénique pendant laquelle la peur et l'euphorie furent talentueusement sublimées dans une oeuvre où apparaissent l'effroi religieux et la félicité métaphysique.
En 1870, selon Francis Truherz, 18.000 médecins américains étaient swedenborgiens notamment Hering, les familles Boericke, Knerr, Farrington et Wilkinson (le père d'Hekla lava) qui traduisit trois ouvrages de Swedenborg en américain en 1830. Il a souvent été dit que ce phénomène avait été une des causes principales du déclin de l'homéopathie en Amérique.
Dans le même ordre d'idées, il a beaucoup été reproché à J.T.Kent d'avoir écrit dans Lesser writting (repris dans La science et l'art de l'homéopathie. Maisonneuve Ed. p. 374) " Tout mon enseignement est bâti sur les données d'Hahnemann et de Swedenborg qui concordent parfaitement les unes avec les autres. "
De fait, trois points de la pratique de Kent en dérivent :
- L'organisation du répertoire est calquée, section par section sur les travaux de Swedenborg
Les dilutions 30, 200, 1000,..DM, MM sont les octaves dans la série des degrés de Swedenborg
L'interprétation des lois de Hering à la lumière du système Swedenborgien avance que l'homme est constitué d'une volonté,d'une mémoire, d'une intelligence et que celles ci s'expriment dans le corps sous forme de signes généraux. Cette conception, combinée à la loi de correspondance des organes de Swedenborg débouche en pratique sur la fameuse hiérarchie des symptômes.
Conclusion :
La folie disqualifie-t-elle les productions intellectuelles et artistiques ou à l'inverse les favorise-t-elle ? Ces oeuvres ne sont elles que " le béton tchernobylien censé contenir les radiations de la folie " ou doit on adhérer à l'idée de Jasper qui écrit :
De même qu'une perle naît d'une lésion de coquillage, ainsi la folie peut donner naissance à des oeuvres incomparables.
Mais pas plus qu'on ne pense à la blessure de l'huître en admirant la perle, on ne songe à la folie, qui fut peut être une condition de leur existence, en subissant le rayonnement des chefs d'oeuvre et la force vitale qui en émane.
En l'absence d'une Agence Nationale susceptible de nous dire ce qu'il faut en penser, nous userons de ce rare espace de liberté pour nous faire notre propre opinion, dussions nous être taxés de libres penseurs.