Bon merci à tous ceux qui ont participé. Ce n’était pas facile d’autant plus que j’avais « resserré » le choix des médicaments, je pense qu'aucun n’était éliminable d’emblée.
« Inconsolable anxiety and piteous howling, with complaints and reproaches about (often trivial) evils. »
Prenons le temps de lire et d’analyser le symptôme. Car il faut bien se dire que le « rapporteur »lors du proving, [et le praticien au chevet du malade devra faire de même] a dû bien réfléchir à ce qu’il observait, au choix judicieux des mots qu’il emploierait pour décrire en toute rigueur la situation.
Imaginons la scène qui réunit un malade semblable et son médecin, mieux, mettons-nous dans la peau de ce dernier appelé sans doute en urgence ; et voici alors ce que vous constatez au fur et à mesure, ce qui permet de découper le symptôme :
1- D’emblée vous entendez les hurlements de la personne dans sa chambre. A priori c’est donc grave, c’est ce que vous vous dites dans votre tête. Sans quoi il n’aurait pas de si atroces souffrances…a priori…
2- En interrogeant tant bien que mal au milieu de ses plaintes le malade vous vous rendez compte qu’il est très anxieux, très très anxieux.
3- Or votre examen ne vous permet pas de retrouver de signes d’alerte médicaux nets et objectifs. Il semblerait même que ce ne soit pas grand-chose.
4- Vous essayez donc de rassurer le malade, rien à faire !, vous ne parvenez pas à le calmer, il est même de plus en plus inquiet car rien ne s’arrange, et manifestement il souffre quand même. C’est poignant.
5- Devant votre incapacité à comprendre son problème et à agir ce patient qui ne supporte plus la douleur devient irritable et commence même à vous faire des reproches sur un ton méchant! « Mais vous ne pouvez pas faire quelque chose bon sang ! » « Pourquoi êtes-vous venu ? » (par ex.

)
Maintenant voici comment je classerais les morceaux du puzzle.
Qu’est-ce qu’on ne peut pas omettre, qu’est-ce qui est plus que tout saillant ? L’anxiété bien sûr domine tout le tableau et surpasse par son intensité tous les autres symptômes.
1- « Anxiété impossible à calmer ». Le patient, sous la violence de l’irritation sensitive rendue possible par son hypersensibilité nerveuse, a atteint un état de tension mentale si aigu qu’il ne peut pas en redescendre, pour l’instant. Finalement il est avant tout malade de son anxiété ou plus exactement son anxiété occupe la part la plus grande de sa maladie. On peut se demander d’ailleurs dans quelle mesure la perturbation immense de la sphère mentale ne va pas provoquer secondairement une amplification des symptômes physiques préexistants, et par là même créer un cercle vicieux épouvantable.
2- « Hurle ».
3- « Fait des reproches. »
4- « Se plaint. »
On pourrait presque dire que hurlements et reproches sont des concomitants produits par la force vitale dans une espèce de suite logique, dans la lignée de l’anxiété inapaisable. Le malade est devenu un patient « impatient » qui ne supporte plus rien. Je ne m’étends pas plus sur eux. Si vous ne percevez pas l’anxiété extrême alors vous pouvez discuter de tous les autres remèdes proposés.
Le remède à donner est …
Aconit !
Le malaise physique même s’il est intense ne suffit pas sans doute pas à rendre compte à lui seul de cette anxiété majeure. En toile de fond, même si ce n’est pas explicitement dit dans le libellé du symptôme, se tapit quelque chose d’indéfinissable, d’irraisonné, sur lequel on n’a pas de prise, et qui tourmente le malade…la peur. Lovecraft disait d’ailleurs : « L'émotion la plus ancienne et la plus forte chez l'homme est la peur, et la peur la plus ancienne et la plus forte est la peur de l'inconnu. »
Après un démarrage plutôt lent le remède a fini par se détacher loin devant les autres. Le symptôme est issu des provings qu’Hahnemann lui-même fit du suc fraîchement extrait de la plante. Vous le retrouvez en noir dans le tome 1 de la Materia Medica Pura ou encore dans l’Encyclopédie de Allen. Il est apparu à 5H du matin ce qui rappelle la proximité du médicament avec Sulfur.
Hahnemann nous dit d’Aconit :
« Aconit est aussi le premier et le principal médicament, … , particulièrement quand en plus de la soif et du pouls rapide, on trouve de l’impatience anxieuse, une agitation mentale inapaisable, une angoisse "incanalisable" ».
Dans le Hering, on lit des symptômes proches à la section Mind:
“
Moaning, anxious lamentations; reproaches from trifling causes.” Le symptôme clinique est en rouge. Il a été confirmé à maintes reprises.
Et encore, en bleu :
«
Inconsolable anxiety, piteous wailing; peevish and impatient.”
Etc.
Laissons le mot de la fin à Henry Guernsey :
« Le génie de ce remède extrêmement utile s’exprime à travers la sphère mentale, et il est toujours important de considérer les symptômes mentaux. Il est presque certain que ce remède ne devra jamais être donné dans les cas où la maladie est supportée avec calme et patience. Bien plus, pour penser à Aconitum, il faut trouver de l’
inquiétude, du
souci ou de
la peur, accompagnant un malaise insignifiant, tel qu’une inflammation des paupières… Une grande angoisse irrépressible, de l’anxiété et une grande peur sont caractéristiques de la maladie "Aconitum". »
(Extrait de « key-notes to the materia medica », trad. H Périchon-Bastaire)