Transfert.net – 03/09/2003 – Valérie Frison
Inspirée de l’homéopathie, une nouvelle expérience relance la polémique
L’eau a une mémoire ? Elle “se souvient” des substances qu’elle contenait. C’est ce qu’a affirmé Jacques Benveniste, chercheur français, en 1988. Depuis, le scientifique a été discrédité. Pourtant, régulièrement, des chercheurs tentent de vérifier si l’eau a une mémoire. C’est le cas de Louis Rey, un chimiste suisse. Pour réaliser son expérience, il a utilisé la technique des homéopathes qui prétendent que, même si une substance curative n’est plus présente dans l’eau, la mémoire de cette substance est capable de guérir les patients. Ses travaux, prudents, divisent encore les scientifiques.
L’expérience du chimiste Louis Rey a été publiée dans la revue scientifique Physica A en mai 2003.
Le chercheur a étudié un échantillon d’eau en utilisant la technique de thermoluminescence : l’eau refroidie à l’état de glace, puis irradiée, émet de la lumière lorsqu’elle est réchauffée.
Ainsi, au fur et à mesure que la glace se réchauffait, Louis Rey a observé deux pics de lumières à -153,15°C et -103,15°C.
“Succussion” homéopathique
Après avoir mélangé du chlorure de lithium à de l’eau, il a répété la même expérience. Avec cette solution, le deuxième pic avait disparu. En effet, ce pic reflète les liens hydrogènes à l’intérieur de la glace et le chlorure de lithium détruit ces liens.
Pour vérifier si l’eau a une mémoire, le chercheur a ensuite reproduit l’expérience en diluant la solution jusqu’à 10-30g/cm3 et en l’agitant énergiquement. Cette technique de dilutions et d’agitations successives, appelée “succussion”, est utilisée par les homéopathes pour fabriquer leurs médicaments.
Alors qu’à ce niveau de dilution la solution a très peu de probabilité de contenir encore une seule molécule de chlorure de lithium, les résultats montraient également une baisse du deuxième pic, prouvant que des liens hydrogènes avaient été détruits.
Un “effet fantôme”
Cette expérience prouve-t-elle que l’eau a de la mémoire ? Les scientifiques sont divisés. Certains n’y croient pas du tout. “C’est un artefact, n’importe quelle molécule devient concentrée entre les cristaux de glace et donc peut causer ces effets” rétorque Martin Chaplin, expert en liens hydrogènes de l’eau à l’université South Bank de Londres.
En revanche, pour Mae-Won Ho, directrice de l’Institute of Science In Society, une ONG militante anglaise qui lutte pour une science “éthique”, cette expérience révèle que “même lorsque les molécules ont été enlevées par dilution, il reste une mémoire de leur présence dans l’eau”.
Raphaël Visocekas, professeur retraité de l’Université Paris-7 et expert en thermoluminescence, tempère ces opinions radicalement opposées. Il note que Louis Rey se montre très prudent dans son article. “Il parle d’effet ’fantôme’, mais ne parle a aucun moment de mémoire de l’eau”, souligne-t-il.
Mais quel serait cet effet fantôme ? “J’interprète cela un peu comme la formation du cristal de givre qui se forme autour d’un germe selon un motif, explique le professeur Visocekas. Même si on enlève le germe, le cristal peut continuer à grossir. Le chlorure de lithium serait ce germe qui amorce la destruction des liens hydrogènes de l’eau, ensuite la structure garde cet effet malgré les dilutions”.
Mais pour démontrer et expliquer ce phénomène de mémoire de l’eau, il faudrait mettre en place d’autres expériences. “Malheureusement, constate Visocekas, peu de chercheurs se risquent dans cette aventure, de peur d’être discrédités à leur tour”. Dans ces conditions, l’eau continuera vraisemblablement à garder ses secrets pendant quelques années.
Thermoluminescence of ultra-high dilutions of lithium chloride and sodium chloride (Physica A) :